Vie du MEDEF

Revivez #LaREF22 - "Renaissance - Réarmement industriel. Oui mais comment ?"

Avec Doris Birkhofer, Carole Delga, Nicolas Dufourcq, Patrick Martin, Angeles Garcia-Poveda, Roland Lescure, Jean-Marc Richard et animé par Marc Landré.

Verbatim

Carole Delga : "La réindustrialisation doit être verte pour la planète, mais aussi pour répondre à plusieurs enjeux : être plus attractive pour les jeunes générations, pallier la pénurie des matières premières et avoir un approvisionnement de proximité fiable, démontrer que l'industrie sait s'adapter."

Patrick Martin : "Il faut une mobilisation générale et que l'industrie soit une priorité nationale. Un des leviers est une étroite collaboration avec les administrations et les élus locaux."

"Il faut des reversements aux collectivités locales pour qu'elles retrouvent ce qu'elles ont perdu en termes d'impôts locaux."

Nicolas Dufourcq : "L'industrie, c'est toujours un château de cartes avec quantité de composantiers. Reconstruire l'industrie implique donc de retisser un écosystème de composantiers."

"Il y aura de plus en plus de chercheurs-entrepreneurs."

Angeles Garcia-Poveda : "Il faut réinventer une image de l'industrie moderne, qui parle aux jeunes générations. Cela commence au collège avec les stages de troisième."

"Il y a aussi les canaux qu'écoutent les jeunes aujourd'hui, il faut aller là où ils sont et employer leur langage."

"On a de très belles histoires à raconter."

"C'est par l'industrie que viendra la réponse à la transition écologique."

"Tout le monde a un rôle à jouer, les entrepreneurs, les pouvoirs publics, les médias."

Roland Lescure :  "L'industrie, cela dépollue et c'est l'avenir, et l'industrie cela paye mieux."

"On a un défi énorme dans l'éducation. On a fait un bond énorme dans l'apprentissage, mais essentiellement dans le supérieur, il faut descendre dans les niveaux de qualification."

"Il faut que nos usines ressemblent à la France d'aujourd'hui."

Doris Birkhofer : "La question de la chaîne de valeurs est essentielle pour dire ce qu'on doit produire en France et en Europe."

Jean-Marc Richard : "Le cerveau se développe par les périphéries... on a de ce fait développé des usines apprenantes."

"Il faut mettre le paquet sur l'industrie."

Patrick Martin : "Il nous reste un écart de productivité vis-à-vis de nos concurrents européens, il faut donc que l'on se dégage des moyens financiers."

"Il faut développer beaucoup plus le crédit impôt innovation."

Angeles Garcia-Poveda : "La créativité naît de la contrainte, donc la réglementation est nécessaire, mais elle doit être simplifiée et plus lisible."

Nicolas Dufourcq : "Si on veut être entendus pour réhabiliter l'industrie, il faut crier tout le temps et fort, il faut faire de l'agit-prop."

"Je propose de faire Top Fab à la télé, comme il y a Top Chef."

Carole Delga : "Sur l'industrie, on a besoin d'investir beaucoup, longtemps et avec des taux de rémunération qui sont faibles."

"Nous devons créer une révolution au niveau de l'Education nationale, pour que les proviseurs acceptent d'accueillir des industriels."

Roland Lescure : "Politique industrielle n'est plus un gros mot à Bercy. Nous souhaitons accompagner les entrepreneurs."

Doris Birkhofer : "Il faut arrêter d'opposer l'humain et la technologie."

"Il ne faut pas sous-estimer les enjeux autour de la résilience."

"Les risques cyber dans l'industrie ont considérablement augmenté, il faut acquérir les compétences pour y répondre."

Jean-Marc Richard : "Ce qui perdure en France, c'est le poison de la rivalité, à tous les niveaux."

"Il n'y a pas d'entrepreneur et d'entreprise sans espoir."

Roland Lescure : "L'Europe est à la fois une partie du problème et une partie de la solution."

"On a fait des pas de géant depuis 5 ans, profitons des crises pour avancer."

Pour aller plus loin

Au cours des vingt dernières années, la France s’est désindustrialisée, a délocalisé et étendu ses chaînes de valeur. Avec une pénurie de produits sanitaires et une dépendance de plus en plus marquée vis-à-vis de la Chine, la crise sanitaire du Covid-19 a révélé un peu plus la vulnérabilité d’une France sans usines et la nécessité d’une souveraineté industrielle. Avec à peine plus de 13 % de la population active, contre 25,5 % pour l’Allemagne et 19,7 % pour l’Italie, et une contribution de seulement 14 % dans le PIB (32 % en Allemagne), l’industrie française a connu un déclin presque constant. 2 emplois sur 3 dans le secteur industriel français sont délocalisés (52 % au Royaume Uni, 38 % outre Rhin). Pour regagner son indépendance stratégique, de quels leviers la France dispose-t-elle ?  

La crise sanitaire a en effet mis en lumière la dépendance de la France aux importations de biens essentiels et s'est également manifestée par des problèmes d'approvisionnement dans les entreprises fortement dépendantes des intrants étrangers. Certains secteurs, très dépendants des importations chinoises, comme la filière électronique, se sont ainsi retrouvés en situation de quasi-arrêt dès mars 2020. Du coup, la crise sanitaire a replacé la question de la souveraineté industrielle au cœur du débat et le gouvernement ne jure depuis que par la reconquête de cette souveraineté et encourage les relocalisations d'activités stratégiques, qui, seules, permettront de faire face à un nouveau défi sanitaire ou à un conflit majeur. La crise russo-ukrainienne et les tensions géopolitiques qu'elle engendre ne font que corroborer cette urgente nécessité. La division des processus productifs, née de la mondialisation a certes des avantages en termes de compétitivité, mais elle ne fait qu'accroître notre dépendance vis-à-vis de l'étranger, et notamment de la Chine, en ce qui concerne les biens manufacturés.

Pour un pays, « la souveraineté industrielle suppose de pouvoir satisfaire certains besoins essentiels sans dépendre de la bienveillance ou de la volonté d'un autre État ». Dans l'actuel contexte de guerre commerciale sino-américaine et de sanctions punitives vis-à-vis d'autres pays, notre souveraineté devient donc de plus en plus cruciale, notamment en ce qui concerne les biens stratégiques, comme l'énergie, l'agro-alimentaire, les télécommunications, l'industrie pharmaceutique, etc. 

Avoir enfin pris conscience de la nécessité de retrouver notre souveraineté industrielle c'est très bien, mais il n'est pas question de réindustrialiser en se fondant sur les modèles d'il y a cinquante ans. La réindustrialisation doit se faire aux meilleurs standards, afin d'assurer des prix compétitifs. Comment faire quand, pendant plus de trente ans, on a accumulé un retard technologique immense face à nos principaux concurrents étrangers ? La France et l'Union européenne accusent par exemple un retard important vis-à-vis des États-Unis et de plusieurs pays asiatiques dans le domaine du numérique, les industries du cloud et des semi-conducteurs. Comment combler ces retards ? Faut-il encourager les investissements des leaders mondiaux sur notre sol ou tout mettre en œuvre pour faire émerger nos propres champions ? Et combien de temps cela prendra-t-il ? 

La souveraineté industrielle ne peut en fait être pensée que dans un système complexe, où les réalités du commerce international et le retard technologique n'offrent pas toujours la possibilité de reconstituer une offre productive viable à court ou moyen terme. Les pouvoirs publics devront donc mettre en œuvre des stratégies de résilience sur-mesure. Pour Elie Cohen, notre souveraineté industrielle passe par la combinaison de trois politiques : relocalisation dans certains cas critiques, diversité d’approvisionnement pour réduire les situations de monopole, et constitution de stocks plus importants pour éviter les pénuries brutales. 

Dans le cadre du plan de relance pour faire face à la crise du Covid-19, 1 milliard d'euros est dédié aux (re)localisations, dont 600 millions visent à sécuriser les approvisionnements et à relocaliser les activités stratégiques, en ciblant les secteurs de la santé, de l'agroalimentaire, des télécommunications, de l'électronique, des intrants industriels critiques, de l'automobile et de l'aéronautique. Au niveau européen, une dynamique a également été initiée pour favoriser l'autonomie stratégique dans certains secteurs clés. Si nous voulons rester dans le peloton de tête des régions qui comptent à l’échelle du monde, nous n'avons plus le droit de nous tromper. Emmanuel Macron a tracé la ligne directrice : « il nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française et plus d’autonomie stratégique pour notre Europe. Cela passera par un plan massif pour notre santé, notre recherche ».

Comment réussir à relever ce défi, comment se donner collectivement les moyens de restaurer notre souveraineté et de faire à nouveau rayonner notre belle industrie, afin de retrouver des couleurs dans une économie mondialisée et très concurrentielle ? Quel rôle l'Union européenne est-elle appelée à jouer dans le renforcement de la résilience économique de ses États membres ?